On avance dans la vie à petit pas quand les bagages sont lourds. On essaie de se débarasser d'une valise, d'un mauvais colis, mais tout est si bien ficelé que la valise ou le colis reste accroché, sans remède. Alors il faut bien avancer. On pèse son pas, on pèse sa pensée, on pèse son souffle.
On progresse dans la boue de la vie en essayant de ne pas penser aux effluves malsaines s'échappant de son fardeau, en se bouchant le nez discrètement. On essaie de rêver... on essaie... Juste pour passer le temps, ou au moins un instant... On ne pense à rien, à rien. On se perd dans les automatismes d'une vie de lombric, on tord son corps blanc à travers la boue du terrain, sans crier car la bouche n'est plus qu'un orifice à traiter la boue.
On traverse ainsi la vie à petit pas, avec ses bagages dont on ne sait même plus ce qu'ils contiennent. A-t-on un but ? Non, parce qu'aller quelque part vous ramène à votre point de départ, et de celui-là, il n'y a plus trace.
Est-ce de l'errance, alors ? Non plus, parce que l'automate sait où il va : il va à l'instant suivant, puis à l'autre, et d'instant en instant, il fait le tour du monde, d'un monde irréel et lointain, d'un monde qui n'existe pas. On fait des détours pour aller vers ce nulle part, mais on y revient toujours. On sait où on ne va pas, surtout pas.
Et puis, quand il faut y aller, y passer, on a la mort dans l'âme, l'âme dans la mort. Le lombric s'effiloche, perd sa chair, se transforme en une improbable chrysalide, une infâme chrysalide d'où sort un étron plus laid et nauséabond encore. Produit de défécation à la découverte de la vie, de quoi rire au vent en se bouchant le nez.
Une autre chrysalide peut-être ? Une autre transformation ? Ou un autre instant, suivi d'un autre encore.
A quand la fin du voyage ? Mais le temps existe-t-il ? Tout est arrêté, comme une horloge couverte de toile d'araignées dont les aiguilles se sont immobilisées sur minuit, l'heure du crime, suspendue entre une journée et une autre, une vie et une autre - essence du basculement existentiel, point nodal où une existence disparaît et est remplacée par son image fantôme.
On avance dans la vie à petit pas, dans de petits souliers, avec des petits rêves, des petites corvées, des petits désespoirs... et un grand dépotoir.
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