Pourquoi le vent doit-il souffler dans les yeux des enfants ? Pourquoi les relents malsains des adultes doivent-ils encombrer le corps des petits ?
Une main dans le noir, un cri étouffé. Une main qui prend, un corps qui se défend.
Tout cela se passe si vite. Rien ne se voit, tout est noir, irréel. Rien n'est su.
Se cacher, se sauver, trop tard. C'est lourd, un corps d'adulte, lourd et chaud, lourd et dur. Si au moins il était froid, si au moins il était méchant: mais il est bête, il essaie d'être doux, et il sent mauvais le vin, la cigarette. Il est chaud et berce, et vous transperce.
Pourquoi le vent doit-il soulever le drap des enfants ? Pourquoi les déboires des adultes doivent-ils se déverser sur les petits ?
La lumière qui brille de partout, la musique qui assourdit, la tête qui tourne, le sol instable.
Les yeux vous regardent, les yeux vous déshabillent. Nulle part où se cacher. Les rires vous entourent, les rires vous étouffent.
Rien n'est sérieux. Mesdames, Messieurs, le spectacle commence. Venez vous amuser, vous êtes là pour ça.
Où est le théâtre ? Où sont les acteurs ? Qu'est-ce qui est vrai ? Où est le réel ?
Un mauvais film, un souvenir qui s'est trompé de porte peut-être, des sentiments qui divaguent, un souffle qui tremble, suspendu entre un rien et un autre.
Les yeux vous percent, vous volent, mais sont-ce des yeux ? Où ? Comment ?
Et puis les mots... ces mots... qui vont de l'avant, de l'arrière, de l'avant, de l'arrière, qui ne savent où aller, où jouir. Et puis tous les mots qui ne remplacent pas la réalité, ne la refont pas, mais qui fondent et transfusent mes pensées en délires, ou mes délires en pensées.
Les mots courent, comme la pensée. Ils courent là où le corps n'a pu fuir : ils courent, nus, sur ces toits d'un village hypocrite où les bouches sont closes en un sourire entendu, complice - complice de qui ?
Les mots courent sans s'arrêter, sans rien pour les arrêter, suivant le fil d'un délire qui tarde à devenir souvenir, qui ne trouve trace de mémoire et qui se construit lui-même en un semblant d'existence. La légèreté des mots, leur inessentialité.
Ecrire non pas pour dire, mais pour se trouver, se trouver dans ses délires à défaut de se trouver dans sa réalité. Si les bases manquent, alors les créer de toutes pièces, mais dans le vide. Existence improbable, frissonnante de peurs anciennes.
Mais les mots butent contre les araignées velues, prêtes à sortir de leur trou, à sauter sur le corps, le remplir de leurs mains velues, injecter leur venin visqueux et faire courir leur bouche infâme sur un corps tordu de terreur. Le délire se fait maintenant cauchemar, cauchemar d'une vie dans un coin sombre et humide. Peau hérissée d'horreur, sang et regard gelés en une agonie fictive, inventée, tout pour sortir de là.
Les collines verdoyantes luttent contre les pas des arachnides, le soleil d'été contre l'obscurité de la nuit mangeuse d'enfants. Rien n'y fait. Les bestioles ont envahi une vie et s'y sont installées. Elles resteront. Reste à les confiner dans un coin sombre de sa souffrance, un coin discret dont on laissera la porte soigneusement fermée. Plutôt brûler, plutôt pourrir, plutôt se noyer que d'ouvrir cette porte. Nier jusqu'à l'existence de la porte même si elle est là, devant le regard se faisant hagard.
Et pourtant, c'est là qu'est resté quelque chose de précieux, quelque chose qu'on n'a pu sauver. Mais quoi ? Quoi ? On ne se souvient pas, on ne se souvient plus ? S'est-on jamais souvenu ?
Tout cela n'était qu'un rêve, un mauvais rêve. Dors mon enfant, dors, dans les bras de maman.
Oui, maman. Maman, tu as les mains sales.
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oui maman a les mains sales et maman ne devrait plus être dans ta vie (si elle l'est encore). Difficile de vivre sans l'étoile du berger que ceux qui ont eu des parents ont eu en héritage...mais pas impossible. Suit l'étoile des autres et je te jures qu'on fini par trouver la sienne.
RépondreSupprimerSonia