dimanche 28 mars 2010

Viol d'anges (Martine Bouillon) II

"Si on arrive à faire comprendre à un enfant qu'on ne va plus l'aimer s'il nous déçoit, il va se livrer à une espèce de surenchère et aller jusqu'à imaginer ce qui ferait plaisir à l'adulte. Sans en avoir l'air, l'adulte l'a conduit peu à peu à ce qu'il voulait entendre. Il finit par faire comprendre à l'enfant que c'est presque lui le violeur, le demandeur. Le triomphe du pédophile consiste à retourner complètement la situation : à l'entendre, c'est l'enfant qui le viole, lui.

"De tels propos reviennent presque constamment dans les 'aveux' des pédophiles : 'C'est un petit cochon, vous ne le connaissez pas, il est porté là-dessus, c'est lui qui m'a séduit, qui m'a obligé, et je ne suis coupable que d'une chose, d'avoir cédé.' On a complètement retourné l'image de l'abuseur et de l'abusé. Et l'adulte a si bien enfermé l'enfant dans cette image, dans cette culpabilité, que la victime va se taire : il ne va effectivement pas dénoncer l'autre, car il se dénoncerait lui-même. C'est d'une effroyable subtilité psychologique.

"De la même façon, les campagnes de prévention où l'on enseigne à l'enfant à dire non, à résister à l'adulte, relèvent en réalité du langage du pédophile, car on retourne ici les situations. Je crois que le langage de la justice, des assises notamment, consiste à remettre chacun à sa place. L'enfant n'a pas de responsabilité. Par définition, il n'est pas responsable de lui-même. On peut lui faire accomplir ou dire tout ce qu'on veut, il n'a aucune notion du danger réel. L'adulte est forcément, toujours, le coupable. Et dans le cadre de l'instruction, c'est ce que j'ai le plus de mal à faire entendre aux mis en examen. Il faut pourtant que j'y parvienne, il faut qu'eux-mêmes arrivent à le comprendre, sinon la récidive est presque certaine. Mais les pédophiles croient d'autant plus à leur discours qu'après l'avoir fait croire à l'enfant, celui-ci leur restitue."

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Je crois qu'on retrouve là les observations d'Annie Leclerc: bien entendu qu'il est préférable que les enfants sachent se défendre, mais on ne peut pas les accuser de ne pas dire non. Bien que j'ais tout oublié du passé le plus ancien avec ma mère, je sais qu'adolescent, elle n'avait pas besoin de demander et il lui était donné: j'allais jusqu'à voler pour elle sans qu'elle me le demande. Lorsqu'enfin j'ai choisi de mettre fin à notre relation, je m'en voulais de n'avoir pu la sauver, mais je ne pouvais pas l'accompagner alors qu'elle-même n'arrivait plus à s'intéresser vraiment à moi. C'était une histoire d'amour qui finissait mal. Ce n'est que très récemment que j'ai commencé à prendre la mesure des choses. Si on m'avait demandé: mais pourquoi n'as-tu pas dit non, je serais parti d'un fou rire hystérique sans comprendre si c'était bien à moi qu'on parlait. Je n'étais pas de ce monde et je n'imaginais pas d'autre façon de vivre que la mienne. Tout était dans l'ordre des choses.

D'ailleurs, je n'ai jamais songé à dire non à cette ado qui, elle aussi, s'est intéressée à mon corps d'enfant, ou encore à l'amie de ma mère: ce n'était pas pensable pour moi, comme si tout avait toujours été comme ça. Je me gardais bien de le demander aux autres enfants, de peur qu'ils ne me répondent que tout n'était pas nécessairement dans l'ordre des choses chez nous.... A combien d'autres n'ai-je pas dit non ? Je ne sais pas, mais l'enfant ne devrait pas être dans une situation dans laquelle il devrait avoir la maturité d'un adulte dans ce "NON" à quelque chose qu'il n'est pas censé connaître.

L'abuseur se projette ainsi tout entier dans l'abusé qui, par besoin d'amour, de croire en sa propre bonté peut-être, introjecte avidement ce parasite et s'en drogue jusqu'à ne plus pouvoir s'en passer même à l'âge adulte. Quelle horreur ! Même ses enfants, s'il a le temps d'en avoir, risquent d'être infectés par ce virus !

Viol d'anges (Martine Bouillon)

"Le silence que rencontrent les victimes de pédophiles pèsent sur eux comme une chape de plomb : tout le monde se tait, personne n'entend. Quand on pointe toutes les dénonciations auxquelles l'enfant s'est livré pour dire ce qui lui arrivait- parce que les enfants ne dénoncent pas seulement par la parole, mais aussi par l'expression corporelle, le travail insuffisant ou excessif à l'école, l'expression artistique : un dessin, une question, un regard, un comportement toujours triste, prostré ou excessivement gai devraient alerter. Or, personne n'a rien vu. Surtout pas ceux qui étaient là pour eux, les éducateurs, qui auraient dû voir...
Le silence de l'enfant est étrange, on pourrait presque dire qu'il est contagieux : personne ne voit parce que personne ne veut voir.

...

Il y a un autre facteur qui explique le silence de l'enfant et qui tient véritablement de l'omerta (la loi du silence en Corse) : la toute puissance des parents. Tant qu'il est à la botte, entre les mains de ses parents, à domicile, il ne parlera pas. Il ne le fera peut-être qu'une fois sorti du sein familial... De fait, un enfant de cinq ou sept ans ne sait pas de quoi il s'agit, si c'est bien ou mal, il subit, comme il subit tout le reste. Et le pédophile, qui est un manipulateur-né, un séducteur d'enfants, sauf quand c'est un débile, (...) lui fait croire chaque fois que c'est normal, que tout le monde fait la même chose. L'enfant accepte donc. Le pédophile parvient souvent à retourner la situation de telle sorte que c'est même l'enfant qui réclame : c'est sa façon d'exprimer son amour, il n'y voit pas mal."

jeudi 25 mars 2010

Femmes fatales (Michèle Agrapart-Delmas)

Un petit passage de ce livre qui contient des observations qui, je pense, vont au-delà des profils ici concernés, ceux des "serial killer".

"Or tout individu relevant de l'article 122-1 est considéré comme non punissable en raison de l'abolition totale ou partielle de son discernement, et échappant ainsi à la sanction pénale, va aller grossir les services de psychiatrie. Cependant l'exonération de peine, le non-lieu psychiatrique sont rarissimes en matière pénale, et liés essentiellement à des maladies graves comme la schizophrénie. C'est toute l'ambiguité entre les concepts de responsabilité, d'imputabilité et de punissabilité...

D'autre part, on n'est jamais fou à temps plein tandis que la guillotine, qui n'a d'ailleurs jamais été dissuasive pour les criminels toujours persuadés d'être plus malins que les policiers et de fait de leur échapper, évite certes les récidives mais pas les erreurs judiciaires.

La quasi-totalité des tueurs multirécidivistes ont tout leur discernement et leur parfaite lucidité. Les actes sont commis en toute connaissance de cause pour apaiser une pulsion, et le plaisir éprouvé entraîne la récidive.

Mais traiter un criminel de fou, c'est se différencier de lui, ne pas s'y identifier, le mettre à bonne distance sécurisante pour chacun d'entre nous en l'excluant d'une société de gens dits 'normaux' qui eux ne violent pas les jeunes vierges ni ne tuent les enfants."

Ce qui m'intéresse ici, ce sont tout d'abord ces trois concepts de "responsabilité", "imputabilité" et "punissabilité". De même, la remarque sur la folie à temps plein. Dans les affaires de viol et d'inceste, on entend toujours la même rengaine: un homme, le pauvre, a été victime de ses pulsions. Que voulez-vous, c'est un homme et sa femme le délaissait ou il était pauvre d'esprit, il a eu une enfance difficile. Mais cet homme qui viole sa fille plusieurs fois par semaine sur des années et ne s'arrête que quand la jeune fille le menace de tout dire, cet homme n'a-t-il pas eu le temps de penser pendant toutes ces années ? Et le violeur d'un soir doit-il nécessairement se défendre en arguant que la fille était consentante ?

Pendant longtemps j'ai excusé ma mère en disant que la pauvre était issue de l'assistance publique, qu'elle avait sans doute été abusée elle-même, qu'elle était dépressive, voire malade mentale, mais est-ce que tout cela doit l'excuser d'avoir ruiné la vie de ses trois enfants ? Ce qu'elle a commis ne peut que lui être imputé, et elle seule est responsable parce que, sur plus de 15 ans, elle a nécessairement eu la possibilité de réfléchir et voir l'horreur qu'elle nous faisait vivre à nous et aux autres enfants. Punissable, donc, et pas seulement à traiter en asile psychiatrique (d'ailleurs, l'asile ne lui a rien fait). Mais pas si anormale, car combien ont participé aux orgies ? Tous des gens très respectables, pères de famille et autres...

mardi 23 mars 2010

La pédophilie (Annie Leclerc)

"Toute la pédophilie est contenue dans cette incommensurable violence qui consiste à plonger l'enfant dans la confusion des ordres clairs, à l'associer par le silence à son bourreau, à le troubler au point d'anéantir le sens qu'il a de lui-même."

....

"Où va le désir du pédophile ? Il va à ce qu'il obtient: le trouble, la confusion, la reddition de l'enfant à l'adulte. Il jouit d'une effraction intime que l'enfant n'ose dénoncer comme violence. Il jouit de la non-résistance de l'enfant, de sa malléabilité, de son impuissance...

...Le pédophile n'est pas méchant au sens où il viserait la souffrance de l'enfant, sa peine, son agonie. Bien au contraire, ses larmes lui insupportent, ses protestations l'exaspèrent. Il veut l'enfant mou et muet. Il veut en user comme bon lui semble."

Annie Leclerc, La honte (Paedophilia)

"Comment entendre les grands, les parlants, les bienveillants, les véridiques, lorsqu'ils proclament que les grands, les parlants, peuvent être malveillants et menteurs ? Qu'est-ce qu'un loup qui se révèle d'autant plus loup qu'il ne se comporte pas d'abord comme un loup ?"

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"Depuis quelques temps, on incite l'enfant, à grand renfort de publicité, à témoigner - il faudrait dire à dénoncer - des agressions dont il a été victime. Mais comment peut-il 'dénoncer' celui auquel il n'a pu dire non ? Sa honte d'avoir compris sans vouloir montrer, sa honte d'avoir plié pour ne pas dénoncer l'agresseur à lui-même, s'aggrave maintenant de celle de s'être tu, de se taire encore, et toujours plus honteusement puisqu'on l'assure qu'il devrait parler. Décidément on veut que l'enfant ait honte.
Voulant l'aider, on risque bien de l'enfoncer plus obscurément encore.
Si j'imagine l'effet que peut produire, sur un enfant soumis à l'inceste par exemple, ces appels allègres à la dénonciation, cette soudaine et furieuse condamnation du crime pédophilique, je crains qu'il ne soit, dans bien des cas, désastreux. Il ne veut pas que ce soit aussi terrible qu'on dit."

....

"Est-ce lui l'enfant qui devrait, par sa plainte, fendre la mère en deux, briser la famille en quatre, livrer le bourreau aux crachats publics, à la police, au cachot ?
Est-ce à lui de précipiter parmi les siens le désastre qu'il cherche à leur épargner par son silence ?...

...Et puis parler c'est faire exister la chose, lui donner sa pleine réalité. Une fois que c'est dit, on ne peut plus effacer, oublier... On peut toujours espérer avoir fait un mauvais rêve, un mauvais rêve de loup, qui se termine bien."

lundi 22 mars 2010

Paedophilia (Annie Leclerc)

"L'enfant ne veut pas seulement être aimé, il veut parler. Quand il ne le peut pas, quand il sait mieux que vous ce qui ne se dit pas, il apprend aussi qu'On veut sa mort. Qui, On ? Pas forcément celui qui l'a forcé. Mais qui alors ? Justement ça il ne sait pas. On, c'est ce qui l'empêche de parler, le fait rentrer au fond de lui, dans une nuit d'abandon, où se trament peu à peu dans l'ombre d'obscures vengeances encore sans visage ni destinataire."

"L'enfant, ou le non-parlant. C'est bien ce qu'a voulu dire d'abord le mot 'enfant'. Enfant : du latin 'in', particule négative, et 'fans', participe présent du verbe 'fari', parler. Enfant a donc désigné d'abord le nouveau-né ou le très jeune enfant. Celui qui ne parle pas."

"Il ne faut pas prendre les enfants pour des idiots.
Ce n'est pas parce qu'ils la bouclent qu'ils ne savent pas ce dont il s'agit.
Et ce n'est pas non plus parce qu'ils laissent faire qu'ils y trouvent leur compte."

jeudi 18 mars 2010

Pornographie et pédophilie

Pourquoi cet intérêt pour la pornographie à travers le livre de M. Marzano, "La pornographie ou l'épuisement du désir" ?

Tout comme la pornographie n'a plus grand chose à voir avec la sexualité, la pédophilie et la pédophilie incestueuse n'ont, elles non plus, rien de sexuel.

La sexualité est un échange entre personnes, une "rencontre" dans laquelle deux personnes, ou plus, partagent des sensations et explorent les limites réciproques à travers le corps pour se retrouver soi-même dans le rapport à l'autre qui doit, par nécessité, rester autre.

Dans la pornographie, le corps du désir est morcelé et tué, l'objet du désir est présenté comme prédigéré, vidé de son sens et proposé à la consommation: l'autre n'est plus.

De même dans la pédophilie: comme l'avait déjà exprimé Ferenczi, l'enfant ne peut comprendre le langage sexué de l'adulte et tout échange est donc, par définition, impossible au niveau de la sexualité avec un enfant. Ce ne peut donc pas être la "chose sexuelle" qui attire un adulte vers un enfant, que cet adulte soit un parent ou un étranger. Le rapport pédophile/incestueux est un rapport de possession dans lequel l'enfant ne peut jouer le rôle d'un "Autre" irréductible: l'enfant est là pour être annihilé, choséifié. Il est un bout de chair entre les mains de l'adulte qui ne connaît plus les limites de l'interdit érotique, pour parler dans l'esprit de M. Marzano.

L'enfant, de par sa fragilité, est immédiatement disponible et consommable: il est manipulable à merci. L'adulte peut l'éduquer à obéir. Combien de cas d'enfants relève-t-on dernièrement dans la presse qui ont été littéralement élevés dans l'esclavage et habitués à obéir jusqu'à un âge avancé: depuis Fritzl en Autriche, un cas en Pologne, un cas en Angleterre, un autre bien connu depuis longtemps en France, un autre encore aux Etats-Unis.

Ces rapports nés dans la pédophilie n'ont rien à voir avec la sexualité: il s'agit de la négation de toute sexualité, d'une prise de pouvoir d'un ego par assimilation d'un autre. L'autre est littéralement digéré, phagocyté. Il devient la projection vivante de l'égo du pédophile.

Le sexe est ainsi nié à la victime. Pornographie, pédophilie, sadisme - tout cela est inspiré à la même veine sombre de l'humain, le refus du vide d'un ego en projetant ce vide dans un autre, en se débarrassant de son vide de sens et en créant un vide de sens en reflet dans la victime qui devient victime expiatoire, victime excrémentielle, dépositaire des ordures du tortionnaire.

D'où l'importance du manque d'empathie même chez un pédophile qui ne serait pas de type "agressif": l'enfant est, selon lui (ou elle d'ailleurs) demandeur de "câlins"; l'enfant ressent du plaisir et en est reconnaissant. C'est ce que le pédophile finit par croire non pas parce qu'il réussit à s'en convaincre, mais parce qu'il est incapable de saisir l'altérité dans l'autre et finit donc par se retrouver lui-même dans les yeux de sa victime en s'y projetant avec avidité.

La peur de l'autre entraîne ainsi la recherche d'une marionnette qui est négation de l'altérité puisque privée de volonté et de désirs propres. L'enfant est le désir du pédophile et ne peut donc avoir d'autre désir que le désir du pédophile (ou du parent incestueux). L'enfant est par essence, aux yeux du pédophile, un être à modeler selon son bon vouloir : il est tout le contraire d'un sujet libre susceptible d'imposer une volonté ou un désir à l'égal de la volonté ou du désir de l'adulte. Finalement, c'est l'adulte qui doit interpréter le comportement de l'enfant comme consentant ou non consentant, et le pédophile voit toujours l'enfant comme consentant, jusqu'à ce que, d'ailleurs, l'enfant finisse par le croire lui-même. Le cercle est alors bouclé et l'enfant-victime s'accole de plus la responsabilité de sa propre victimisation, libérant définitivement le pédophile de tout remord qui pourrait, d'aventure, subsister encore.

mercredi 17 mars 2010

La Pornographie (Michela Marzano)

"Dans la sexualité, donner et prendre ne font qu'un..."

"Lorsque 'le désir se brise et se satisfait comme le plus égoïste et le plus cruel des besoins', alors l'autre n'est plus le signe de ce que je n'ai pas. Il n'est plus un autrui qui me met en question en contestant ma prise sur les choses. Il devient un instrument dont je peux me servir, dont je peux m'emparer.
"C'est là que prennent place la pornographie et ses représentations. C'est là que s'installe l'obscène. Un obscène naissant d'un regard qui réduit le sujet à une chose et offense le désir en le brisant sur la nudité de l'organe.
"Dans la pornographie, ce qui est représenté est l'absence de la faille: la rencontre sexuelle n'a pas lieu, au moins dans la mesure où ce qui est en jeu est la maîtrise du manque, sa réduction à 'rien' par l'effacement de l'autre."

lundi 8 mars 2010

L'autre

L'autre est source d'enrichissement comme il peut être source d'appauvrissement. C'est dans l'autre que nos identités possibles se réalisent pour nous être renvoyées en miroir. Il n'existe pas d'identité sans altérité.

Dans l'inceste et dans la manipulation pédophile, par contre, c'est l'altérité de l'enfant qui est niée pour devenir l'objet des projections du soi de l'agresseur: l'agresseur attribue à l'enfant des pans de soi-même, de ses fantasmes et peut-être de son passé. Le pédophile se projette dans l'enfant, en phagocyte les représentations et en nie l'identité.

Redécouvrir l'autre est le grand obstacle après avoir subi un tel parasitage.

jeudi 4 mars 2010

Identité personnelle et identité collective

"L'individu n'est pas un atome constitué, avec une identité personnelle qui lui appartiendrait en propre. Mais un système ouvert, un centre de production du sens de sa vie interconnecté à d'autres centres, susceptibles de le déposséder de sa maîtrise personnelle. Cette < dépersonnalisation > se produit d'autant plus aisément que donner sans cesse un sens particulier à sa vie est mentalement fatigant et pénible. Et qu'il est au contraire reposant et socialement réconfortant de se couler dans des évidences collectivement partagées." J-C Kaufmann, L'invention de soi.

Remarques très pertinentes, d'où le danger des "associations de victimes", libératrices dans un premier temps, puis danger de renfermement identitaire sur le seul statut de victime.

Produire du sens en sortant de soi. Se libérer en "s'engageant", comme le voulait Sartre, mais s'engager en de multiples endroits, à de multiples niveaux, souvent contradictoires, pour préserver sa liberté. Ne pas donner un sens à sa vie, mais une multiplicité de sens, au sein de sa famille, de ses amis, sur le travail, dans ses appartenances à des clubs, groupes ou associations. Créer un foisonnement de sens non pas pour se trouver, mais pour se créer.

Plus qu'apprendre à s'aimer, apprendre à créer une vie que l'on puisse aimer parce que riche de sens, d'occasions de fuir le banal, les mécanismes lourds de réminiscences cachées.

S'inventer et se réinventer, c'est être. On est ce qu'on se fait. Il ne s'agit donc pas de retrouver un "soi" substantiel qui serait tapi quelque part au fond de nous, mais de créer un "soi" avec une sémantique aux articulations toujours renouvelées, toujours renouvelables, existant au creux de leurs propres contradictions.

Exploiter pour cela les appartenances sociales (associations, regroupements, etc.) sans jamais toutefois se laisser prendre au jeu des identifications collectives. Rester soi-même implique alors de relativiser ses appartenances et soi-même, ce qui entraîne la reconnaissance des autres commes d'autres "soi" eux aussi relatifs et relationnels. Engagement sincère, mais non pas totalitaire, positif,, mais pas jusqu'à la négation de soi.

Beaucoup d'implications là-dedans. À approfondir.

mercredi 3 mars 2010

Briser les chaînes

Briser les chaînes d'une étrange faiblesse dans les rapports subis d'humiliation. S'affranchir. Pour cela, poser la question: "Qu'est-ce que je veux ?"

Apprendre à poser cette question et, peu à peu, à relever les yeux.

Fascination pour le morbide, pour la violence infligée, pour la banalisation de la souffrance subie et la peur du normal, du fort.

Grandir hors de cet enfant pour aimer et vivre, pour s'aimer et se vivre, et rendre aux autres qui nous ont aimé à hauteur de ce qu'ils nous ont apporté.

Pour ceux qui ont voulu partager en toute sincérité avec nous, apporter cette part de liberté qu'eux-mêmes nous ont offert: il ne veulent pas la soumission de l'enfant battu et violé, mais un sentiment sincère et sans contrainte.

On ne peut pas aimer sans accepter d'être aimé.