samedi 15 mai 2010

Les yeux secs (poème retrouvé)

Voici un poème vieux de plus de vingt ans. Un poème, pas vraiment, puisque je ne suis pas littéraire pour un sou, mais c'est à travers cette forme que j'ai essayé de m'exprimer...

secs, secs sont les yeux
secs, secs sont les vieux
et je pleure cent larmes
et je pleure sans larmes
et je ne pleus plus
et je ne peux plus

Oui, secs, secs sont les yeux
secs, secs sont les coups

Je ne pleure plus,
je ne ris plus,
mais ai-je jamais ri
mais ai-je jamais pleuré,
mais ai-je jamais vu

secs, secs mes cheveux
car trop sec est le vent
du profond intérieur
et trop vieux est le banc
sur lequel je n'ose m'asseoir
et trop jeune est le coeur
sur lequel je n'ose me recueillir
et trop grand est l'amour.
Trop grande la décharge privée,
trop grand le désert de peur,
la Sibérie des quatre-vents,
l'affront supporté et rendu,
la justice inassouvie.

Trop sèches les ruines qui ne fument plus
par peur de trahir le feu qui ne brûle plus.
Trop grand et trop sec le calme
d'après la tempête à venir,
la tempête qui n'éclatera pas,
ne brisera pas,
ne chantera pas,
ne tuera pas,
ne nuira pas,
ne trahira pas,
ne vengera pas,
car il n'y a rien à venger.
Il n'y a plus que des cailloux secs, secs, secs,
coulant de mes yeux secs, secs, secs,
qui n'attendent que la fin de l'oubli,
attentifs à ne pas manquer le final.

Oui.
Non.
Oui.
Non.
Oui.
Non.

Je ne pleure pas,
je ne veux pas,
je ne vis pas,
je ne tais pas,
j'oublie.
Je ne fuis pas,
Je ne cherche pas,
je ne marche pas,
je ne sec pas,
je ne noie pas,
je ne crois pas,
je ne vois pas,
Je... ne... pas !

Sec, bien trop sec,
la forêt est partie.
La forêt est morte,
ma mère est morte
par manque de bois.
Je n'ai pas voulu sacrifier mon coeur de chaîne,
je n'ai pas voulu
Je n'ai pas voulu
Qui a volé mon coeur,
Qui a châtré mon âme,
Qui a brûlé mes yeux,
Qui m'a enculé.
Non, je n'ai pas voulu.
Je n'ai plus voulu visiter son antre,
je l'ai perdue dans la forêt,
en courant après les loups, nu, un soir d'hiver,
en courant après vous.

Secs, toujours secs, encore secs,
j'ai brûlé le feu, et avec le feu l'antre, et avec l'antre le fer.
Personne ne veut en moi.
La pluie est lointaine,
à l'autre bout de l'hémisphère.
Il me faut pénétrer la terre,
il me faut la battre, la traverser de part en part.
Mais la pluie me fuit.
Elle sèche dans mon coeur, ne laissant que son amertume,
et le désert.

Sec, sec est mon arbre.
Il ne pleure plus, il est loin de la terre,
il est loin de la mère.
Secs, secs mes souvenirs,
comme un centime perdu et rongé.

Sec, sec mon passé
qui ne peut plus voir le jour.

Sec, sec, sec mon être
qu'on n'a su faire naître.
Secs, secs mes yeux,
mais encore moins froid que la mort.
Tiens, voilà le vent du nord qui se lève.

1 commentaire:

  1. "Trop sèches les ruines qui ne fument plus
    par peur de trahir le feu qui ne brûle plus."

    La contradiction est merveilleuse d'espoir :
    on ne peut trahir que ce qui est caché, donc le feu brûle toujours, mais pour ne pas se trahir, ne dégage pas de fumée, parce que pas de fumée sans feu... Mais il peut y avoir des braises sous la cendre, qui ne dégagent aucune fumée, elles, mais qui sont bien présentes cependant... Qui va venir rallumer le feu de ses braises, qui...

    Splendide poème ceci dit...

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