Il est bon parfois de parler de mort. Cela fait parfois du bien de souhaiter mourir, comme la possibilité ultime d'un repos qui nous tire enfin du cauchemar.
Bien entendu, on ne se suicide pas. Alors, bien qu'agréable, n'est-il pas futile de parler de la mort: est-ce que ce n'est pas se distraire de la lutte au quotidien ?
Peut-être, mais si l'idée de mort est présente, autant l'exprimer, autant la cajoler pour la garder tranquille dans son coin. Le jour où on arrêterait d'en parler, qui sait quel dégât elle pourrait faire ?
Tout ce que je veux, c'est qu'on me laisse tranquille, que mes frayeurs me laissent tranquilles, que ma honte me laisse tranquille, quitte à satisfaire ma quête du grand vide un jour, losque ceux qui dépendent de moi n'auront plus besoin de moi.
Il est bon parfois de parler de mort. Cela fait parfois du bien de souhaiter mourir, comme la possibilité ultime d'un repos qui nous tire enfin du cauchemar.
La mort, l'idée qui vous tient un pied dans la tombe, qui donne un goût de pourriture à chacune de vos pensées, qui joue la sirène à chaque tournant de votre vie.
La mort, celle qui fait que vous n'êtes déjà plus présent au monde avant même d'être enterré, celle qui vous fait traverser la vie comme un fantôme sans substance - présence évanescente symbolisant mon inessentialité de base, négation de la chair, purificatrice du sexe et de l'ignoble, l'horreur dépassant l'horreur originelle et, par là, plongeant celle-ci dans l'oubli pour un instant, mais un instant seulement, à moins de franchir le pas.
La mort, l'outil indispensable de survie pour le grand rescapé imaginaire et pour celui qui veut se laver des tares intrinsèques de sa propre personne. La mort, en somme.
mercredi 24 juin 2009
Silence
C'est le silence, le grand silence... Le silence du passé qui ne revient pas, le silence du présent qui ne veut pas s'ouvrir, le silence de l'avenir qui reste clos et indécis.
La vie en suspens depuis des décennies, des résolutions qui sont là, mais ne se prennent pas, des accusations lancées par d'autres, mais non reprises, non assimilées, parce que non vécues.
Des choses ont été dites, ont traversé les rouages bloqués de mon cerveau, ont été traitées avec toute la finesse d'un intellect noyé d'abstractions, mais la chair et le sang n'ont rien saisi, rien repris, rien entendu. La chair et le sang meurtris, restent derrière les meurtrières d'une forteresse imprenable, la forteresse vide.
Un viol, des viols... Non, rien. Une histoire banale d'amour filial.
C'est le silence, le grand silence du déni qui a honte de lui-même et ne se dit pas. Se clame, mais ne se reconnaît pas.
La honte et la lâcheté comme raison de vivre: le comble de la salissure.
L'enfant peut crier - puisqu'il crie - le silence enveloppe tout de son aile d'oubli. C'est la fin des cauchemars, la poursuite du cauchemar originel.
Rien ne s'est passé, rien ne s'est jamais passé. Je peux parler des faits supposés, mais je n'y crois pas, je n'y crois plus, parce que je ne vois pas le reflet de l'horreur dans les yeux des autres. Indifférence compassée, révolte indignée, colère et dégoût, mais pas l'horreur.
Je ne vois l'horreur nulle part, donc elle n'existe pas. Le faible tremblement intérieur qui la présage ne trouve d'amplification nulle part et n'ose élever la voix de peur d'écraser des montagnes imaginaires. C'est l'histoire de la fameuse souris issue d'un cataclysme bien peu productif.
Je retourne à mes carottes, peu à peu, un peu plus fatigué, sans avouer ma chute ; en attendant la mort patiemment.
La vie en suspens depuis des décennies, des résolutions qui sont là, mais ne se prennent pas, des accusations lancées par d'autres, mais non reprises, non assimilées, parce que non vécues.
Des choses ont été dites, ont traversé les rouages bloqués de mon cerveau, ont été traitées avec toute la finesse d'un intellect noyé d'abstractions, mais la chair et le sang n'ont rien saisi, rien repris, rien entendu. La chair et le sang meurtris, restent derrière les meurtrières d'une forteresse imprenable, la forteresse vide.
Un viol, des viols... Non, rien. Une histoire banale d'amour filial.
C'est le silence, le grand silence du déni qui a honte de lui-même et ne se dit pas. Se clame, mais ne se reconnaît pas.
La honte et la lâcheté comme raison de vivre: le comble de la salissure.
L'enfant peut crier - puisqu'il crie - le silence enveloppe tout de son aile d'oubli. C'est la fin des cauchemars, la poursuite du cauchemar originel.
Rien ne s'est passé, rien ne s'est jamais passé. Je peux parler des faits supposés, mais je n'y crois pas, je n'y crois plus, parce que je ne vois pas le reflet de l'horreur dans les yeux des autres. Indifférence compassée, révolte indignée, colère et dégoût, mais pas l'horreur.
Je ne vois l'horreur nulle part, donc elle n'existe pas. Le faible tremblement intérieur qui la présage ne trouve d'amplification nulle part et n'ose élever la voix de peur d'écraser des montagnes imaginaires. C'est l'histoire de la fameuse souris issue d'un cataclysme bien peu productif.
Je retourne à mes carottes, peu à peu, un peu plus fatigué, sans avouer ma chute ; en attendant la mort patiemment.
lundi 8 juin 2009
Sans nom (obscénité et honte)
Je voudrais me faire du mal, me violer moi-même en m’enfonçant la tête dans un polochon, serrer les dents jusqu’à en avoir mal à la mâchoire, jusqu’à ne plus sentir l’autre – l’autre douleur – derrière. J’aimerais me punir de voir ce sexe de femme collé contre mon visage d’enfant, cette touffe chaude et humide qui remue et m’étouffe. J’aimerais me faire du mal à imaginer ces deux hommes me prenant par derrière, se creusant une voie royale dans mon enfance. J’aimerais me tuer de cet instant de plaisir en pleine humiliation, de cette amorce de joie au ressentir de ces corps mous, pâles, adipeux ou maigrichons, mais tout de même chauds et caressants au moins l’espace d’une seconde. J’aimerais mordre la langue volée par la langue des grands, arracher cette peau sur laquelle toutes ces mains se posent.
J’aimerais arracher les yeux de ce regard perdu qui cherche en vain un ami, ce corps nu recroquevillé sur lequel on pisse en riant, puis qu’on lave à l’eau froide. J’aimerais étouffer cette gorge pleine de membres et de leur sève lubrique au goût salé, nauséabond, entre l’amer et le gluant. J’aimerais quitter cet esprit plein de toutes ces choses. Plus je décris, plus j’imagine de ces sensations : poils pubiens sous mon nez, rêches et odorants, membres durs, mous, mi-durs mi-mous, qui voyagent autour de ma bouche tandis que d’autres mains violent mon intimité, comme si rien, pas même mes entrailles, n’était hors de leur portée. Sensation de ne pouvoir résister face au nombre, et pas seulement face à la force. Peur de rester là, dans ce cloaque, mourir étouffé sous un testicule ou une vulve. Et aucun visage : rien que des corps sans tête, comme si les yeux essayaient de préserver un dernier vestige d’intimité en fuyant les regards – intimité dérisoire quand même votre merde s’étale aux yeux de tous. Et les rires, l’indifférence lubrique, la curiosité narquoise, les caresses qui cherchent à m’arracher un plaisir malgré la souffrance, la peur, la terreur, l’effroi, l’horreur. Impossible de crier, ou même de vouloir crier. Pas d’espoir, puisque la mère est là, qui jouit – qui jouit de toi, qui jouit d’un autre – peu importe. Tout coule : les corps dégoulinent de sperme, de sueur, de salive, de pisse, de toute sorte de liqueurs âcres se mêlant au vin et à la cigarette. Le bruit des voix se mélangent aux odeurs, aux regards, dans une cacophonie qui n’en finit pas de résonner dans ma tête jusqu’à l’épuisement, jusqu’à ce que le corps s’affaisse.
Est-ce vécu ? Est-ce imaginé ? Le dégoût m’envahit. Comment mon esprit peut-il contenir tout cela ? Suis-je pervers ? Je pourrais continuer à l’infini si cela ne faisait si mal. Est-ce que j’ai réellement vécu cela ? Est-ce que je me l’imagine. Déjà ma langue se colle au fond de ma bouche pour recevoir un autre membre, mes lèvres s’entrouvrent presque, dans un geste machinal. Entre l’espoir d’un peu d’attention et la peur du ceinturon, est-ce que l’enfant que j’étais a vécu cela, ou est-ce que l’adulte que je suis se fait des scénarios ?
Hésitation qui me torture. Je me hais de voir tout cela. Plutôt m’arracher les yeux ! Mais comment arrache-t-on les yeux de l’esprit ?
J’aimerais arracher les yeux de ce regard perdu qui cherche en vain un ami, ce corps nu recroquevillé sur lequel on pisse en riant, puis qu’on lave à l’eau froide. J’aimerais étouffer cette gorge pleine de membres et de leur sève lubrique au goût salé, nauséabond, entre l’amer et le gluant. J’aimerais quitter cet esprit plein de toutes ces choses. Plus je décris, plus j’imagine de ces sensations : poils pubiens sous mon nez, rêches et odorants, membres durs, mous, mi-durs mi-mous, qui voyagent autour de ma bouche tandis que d’autres mains violent mon intimité, comme si rien, pas même mes entrailles, n’était hors de leur portée. Sensation de ne pouvoir résister face au nombre, et pas seulement face à la force. Peur de rester là, dans ce cloaque, mourir étouffé sous un testicule ou une vulve. Et aucun visage : rien que des corps sans tête, comme si les yeux essayaient de préserver un dernier vestige d’intimité en fuyant les regards – intimité dérisoire quand même votre merde s’étale aux yeux de tous. Et les rires, l’indifférence lubrique, la curiosité narquoise, les caresses qui cherchent à m’arracher un plaisir malgré la souffrance, la peur, la terreur, l’effroi, l’horreur. Impossible de crier, ou même de vouloir crier. Pas d’espoir, puisque la mère est là, qui jouit – qui jouit de toi, qui jouit d’un autre – peu importe. Tout coule : les corps dégoulinent de sperme, de sueur, de salive, de pisse, de toute sorte de liqueurs âcres se mêlant au vin et à la cigarette. Le bruit des voix se mélangent aux odeurs, aux regards, dans une cacophonie qui n’en finit pas de résonner dans ma tête jusqu’à l’épuisement, jusqu’à ce que le corps s’affaisse.
Est-ce vécu ? Est-ce imaginé ? Le dégoût m’envahit. Comment mon esprit peut-il contenir tout cela ? Suis-je pervers ? Je pourrais continuer à l’infini si cela ne faisait si mal. Est-ce que j’ai réellement vécu cela ? Est-ce que je me l’imagine. Déjà ma langue se colle au fond de ma bouche pour recevoir un autre membre, mes lèvres s’entrouvrent presque, dans un geste machinal. Entre l’espoir d’un peu d’attention et la peur du ceinturon, est-ce que l’enfant que j’étais a vécu cela, ou est-ce que l’adulte que je suis se fait des scénarios ?
Hésitation qui me torture. Je me hais de voir tout cela. Plutôt m’arracher les yeux ! Mais comment arrache-t-on les yeux de l’esprit ?
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