Quelle impression cela fait-il d'embrasser la bouche d'une tête séparée de son corps: froid, rigide, impression de gonflement, sec. Pourquoi est-ce que ce type d'idée me vient. Est-ce que je suis délirant ? Tête lavée d'une enfant aux cheveux noirs, lisses. Je déteste ces images. Est-ce une allégorie ? Est-ce un mensonge d'un cerveau dérangé, le mien ? Est-ce un faux souvenir ? Est-ce un souvenir rejeté mais qui tournerait en rond parce qu'impossible à effacer, tellement la charge émotive fut forte ? ESt-ce un peu de tout ça ?
Cela pose tant de questions, aussi, quant au fonctionnement de fonctions vitales comme la mémoire et le processus même de mémorisation. Y a-t-il des processus de "démémorisation", d'effacement de la mémoire ? Tout ce qu'enregistre la mémoire est-il vrai ? Y a-t-il une seule forme de mémoire, ou plusieurs ?
Est-ce que la mémoire, c'est la capacité à se rappeler, ce qui impliquerait nécessairement la conscience ? Où est-ce qu'il y a d'autres formes de mémoire, sans tomber dans le piège de la "mémoire de l'eau" ? Mémoire émotionnelle du système hypothalamique (Damasio, Watts, et autres), mémoire comme expérience inscrite dans la constitution historique du système nerveux (Elderman), mémoire comme contribuant à la constitution des fonctions cognitives et des processus cognitifs, mémoire inconsciente qui serait une sorte de négatif de l'être-conscient, tout ce qui serait en creux de l'être, le non-dit substantiellement collé au dit et auquel on peut arriver par inférences. Tout cela n'est-il pas lié, comme différents aspects d'une réalité à la fois complexe et simple ?
Bien entendu, mais tout cela est aussi source d'une grande confusion avec une place énorme laissée tant aux abus qu'au déni. Ma tête pensante ne sait plus que penser de cette tête coupée et doute de ceux qui pensent cette image comme un vestige d'une réalité passée, fussent-ils psychologues avérés et expérimentés, et de ceux qui pensent que tout n'est que foutaise et que les viols d'enfants n'existent pas.
Ce que je cherche entre ces deux extrêmes, c'est moi: je ne veux pas croire en ce que les autres disent ou pensent, je veux savoir où j'en suis moi-même. J'ai du mal à croire en l'autre: ce que l'autre dit de moi est perçu comme une opinion intéressée, mais interessante, voire révélatrice, et comme le morceau d'un grand puzzle, mais pas comme quelque chose à quoi donner foi. Je ne crois en personne, je ne crois personne. Je n'ai de confiance absolue en personne, qu'une confiance limitée - et sans nécessairement mettre en doute la bonne foi de l'autre.
Une tête vole, puis roule sous un jet d'eau. Une tête sans vie qui laisse la mienne pleine d'interrogations. Jeu macabre - mais est-ce un jeu, sinon dans le sens d'un "jeu d'esprit", une sorte de décalage entre un "jeu d'images" et un autre, sans savoir comment réconcilier les deux - c'est cela: non réconciliation avec "lui" que je ne ressens pas comme moi, mais qui peut-être est moi, ou l'a été. "Lui", l'enfant oublié que je n'arrive pas à reconstruire, à recadrer, à définir, à sentir.
Homme sans enfance, homme sans passé, parce que le passé est mort dans la conscience, oublié, comme pour délester l'être d'un poids mort qui pèserait trop lourd dans la vie. Mais l'absence de ce passé, ce vide, pèse tout de même bien lourd. L'entreprise n'a donc pas réussi, ou pas totalement du moins.
La tête vole avec ses cheveux noirs, et tombe. Est-ce une métaphore que je me suis créée - et pour dire quoi ? Ou est-ce une réminiscence, mais pour taire quoi ?
Je sais, jeux de mots spécieux, à la limite du pédantesque. Mauvais goût, mauvaises blagues, mais mauvais rêve aussi. Si mes jeux d'esprit sont d'un niveau si peu élevé, c'est que mon esprit est bien pauvre et confus, vide de tout, et surtout vide de soi.
Mais l'attente est en train de naître, des envies sont en train de poindre. À côté du vide, le plein, un plein qui ne se laisse plus happer, mais qui bouscule et dérange, voire me dérange. Un déséquilibre qui désarçonne la quiétude du néant.
Voilà les réflexions que font naître en moi cette tête qui roule. Je les écris pour les fixer quelque part, en un lieu qui dépend de moi, mais pas seulement de moi puisqu'ils seront peut être lus par d'autres. Je les écris pour qu'ils ne soient plus en mon seul contrôle, pour perdre le contrôle, mais un peu seulement. Je les écris pour jouer avec moi-même, c'est-à-dire, encore une fois, créer un jeu (lire décalage) entre moi et moi.
jeudi 30 juin 2011
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"mémoire inconsciente qui serait une sorte de négatif de l'être-conscient"
RépondreSupprimerC'est ce que je pense...Il y a une mémoire inconsciente. Sûrement la plus difficile à "toucher du doigt"/maîtriser/apprivoiser/panser...Pour moi c'est cette mémoire qui révèle la part obscure en nous. Celle la même qui nous donne tant de conflits intérieurs avec les maux qui vont avec.
Je t'embrasse bien fort.