J'aimerais mourir sans qu'on ne m'ait jamais vu naître. J'aimerais disparaître sans bruit, sans remou, sans gêner personne.. J'aimerais que la vie se défasse de moi comme on jette une vieille fripe inutilisée. J'aimerais être le grain de poussière que l'on chasse de la maison du monde. J'aimerais mourir pour ne plus avoir peur, pour ne plus tourner mon regard interrogateur vers mon bourreau, essayant de comprendre ce qu'il me faut faire pour éviter le fouet, les coups, les oreilles tirées, le visage enfoncé dans son ventre.
J'aimerais être un point d'interrogation qui s'efface, ne laissant qu'un point final, ou quelques points de suspension tombant dans l'oubli. J'aimerais être une virgule sur le calendrier du temps, une simple pause avant de passer à autre chose, autre que moi. J'aimerais être la fin de ma propre fin, retrouver le néant que je n'ai jamais quitté, qui est en moi et qui est moi.
J'aimerais perdre ma seconde peau qui me raccroche à la vie pour regagner la première peau que l'on m'a remise, peau de bête que l'on monte et démonte, peau d'âme absente parce qu'en voyage ab eternum. J'aimerais me réduire à cet esprit qui s'évade et que personne ne rattrape jamais, ni dans les cimetières, ni sous les roues d'une voitures, ni dans les alcôves fétides, ni dans l'eau pure d'une rivière qui jamais ne pourra laver la souillure. J'aimerais me réduire à ce qui est en moi insaisissable, à ce que ni les objectifs, ni les langues inquisitrices n'ont réussi à emprisonner.
J'aimerais mourir pour être enfin ce que je suis, un rien dans l'espace infini du néant, une non-existence dans le coeur de pierre de qui n'a pas cru en mon être, une absence justifiée à tout jamais.
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comme je comprends ce texte.
RépondreSupprimerc'est un texte ancien, tu pourrais écrire cela encore?
comme tu sais bien exprimer les choses.
retourner au néant, je le dis souvent aussi.
une sorte d'illusion où il n'y avait pas de pensées, pas d'angoisses, pas de peurs.
Illusion ? Je ne sais pas si c'est une illusion. Une dimension entre deux possibles, la mort et la vie, et l'obligation de choisir de nouveau l'un de ces possibles à chaque moment de sa vie.
RépondreSupprimerCeci dit, il est possible de sortir de ce cercle infernal.
oui c'est possible
RépondreSupprimerje dis illusion car - enfin pour moi- ca n'est pas la mort que je recherche mais "retourner au néant" à l'"avant".
un "avant" les tourments.
car la mort on ne sait pas ce que c'est - on imagine : fin des tourments, repos, sommeil, mais on en sait pas.
Illusion pour toi, absence d'être pour moi: retourner avant n'a pas vraiment de sens, puisqu'il faudrait avoir vécu un "avant" qui soit autre, hors toi comme moi avons toujours été entre les mains de la même tortionnaire, notre mère. Il n'y a pas eu d'avant à proprement parler.
RépondreSupprimerLa mort, on ne sait pas ce que c'est, et je suis d'accord avec toi. D'ailleurs, nous avons tout fait pour ne pas mourir. Mais la mort n'est pas l'absence d'être, mais l'absence de vie du corps, or le corps ne veut pas la mort.
Ceux qui nous ont torturé ne s'en sont pas pris au corps: au-delà de ce que le corps a subi, c'est la psyché de l'enfant, son "âme", qu'ils ont voulu plier: on me dit viens, et je viens. On me dit suce, et j'obtempère. On me dit prends telle ou telle pose, et je fais. On me dis bois, et je bois. On me dis baisse le regard, et je baisse le regard. C'est l'âme qu'on tue. On me dit, arrête de sourir, mais mes lèvres restent figées en un sourire narquois, presque fou : c'est l'âme qui se redresse.
On me fait coucher sur la pierre, sur le bois; on me plonge dans l'eau, on me frappe. Déjà, je ne suis plus là. Je suis parti dans un monde où ma mère se penche sur moi et dépose un baiser sur mon front, une autre mère qui ne souffre pas, qui n'est pas triste.
La mort n'est pas la fin des tourments, le repos, mais la négation de tout. La réalité des tourments que nous avons connus est à tout jamais inscrite dans notre histoire: rien n'y mettra fin en ce sens. Nous ne pouvons pas y revenir. Il nous reste à intégrer cette histoire pour en faire quelque chose d'autre, quelque chose qui vaille la peine d'être vécu. J'utilise parfois le langage du passé pour décrire le dedans, mais cela ne doit pas rendre inutile le langage de l'avenir qui cherche à ouvrir de nouvelles voies pour enfin vivre non pas sur le passé, non pas pour les autres, non pas pour..., mais vivre en soi, dans la paix qui vient du juste équilibre entre tout ce qui nous constitue. Il faut partir de ce que nous avons été, de ce que nous sommes aujourd'hui, pour construire ce que nous serons demain.
Magnifique, je comprends que tu prennes plaisir à relire ce texte.
RépondreSupprimerAs-tu vu Savage Grace ?
http://viols-par-inceste.blogspot.com/2010/07/film-savage-grace-de-tom-kallin.html
je n'ai pu m'empêcher de penser à toi.
Magnifique, n'exagérons. Juste sincère. Je ne connaissais pas le film que tu me conseilles. Je me renseiignerai un peu plus à ce sujet.
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