mardi 8 septembre 2009

Les enfants

Il y a des enfants qui rient et qui courent, qui s'amusent et folâtrent en pleine nature. Ils se baignent dans la rivière, ils ont une cabane. Ils jouent et rêvent, enfin.

Lorsqu'ils retournent auprès de leurs parents, ils y trouvent des bras qui les attendent. la table est mise et les hôtes rient. les mains plongent dans les assiettes, les lèvres sont mouillées de vin.

Les mains plongent dans la chair blanche des enfants, des doigts noirs sur leur pâle peau.

Les mains fouillent les corps à la recherche d'un plaisir qu'ils ne connaissent plus, et les yeux laconiques des mères se perdent au lointain.

Les ventres ronds, les perles de sueur nauséabondes, les bouches pleines, la douleur, puis le vide - les enfants planent au loin, ailleurs. Les cris deviennent bourdonnement, vague chahut où l'accordéon se noit dans le brouhaha des rires et des soupirs. Les lourdes odeurs restent, mais l'esprit est ailleurs.

Les mains de charcutier continuent de fouiller les moindres recoins d'intimité. L'innocence n'existe plus dans ce monde sombre et visqueux.

Plus tard, les enfants retourneront à leurs jeux d'enfant, silencieusement, le temps de se réhabituer à la légèreté de leur âge. Plus tard, les rêves reprendront le dessus pour masquer, le temps d'un instant, la triste réalité. Pendant ce temps, les deux maquerelles cuvent leur vin et préparent dans leur tête le prochain festin. Elles donneront en pâture, pour quelques francs, ces bouts de chair que sont leurs enfants.

Et les enfants jouent au papa et à la maman, mais sans se faire mal car, s'ils ne savent pas encore ce qu'est l'amour, ils savent que cela ne devrait pas faire mal.

Filles, garçons, il y a des enfants qui vivent ou ont vécu comme cela, et il y a des pères, des mères, qui font ou ont fait cela.

Histoire d'un autre monde ? Non, histoire de ce bas monde.

Quatre enfants vendus à tout un village, un village qui s'est tu et qui se tait encore. Quatre enfants vendus aux mâles du village, caressés par qui le voulait bien, triturer par qui payait une somme modique, à hauteur de leurs trois pommes. Quatre corps avec les orifices recherchés: non plus des êtres vivants, mais des poupées pour dépravés.

Chantons les campagnes françaises et les joies de leurs doux clochers: lorsque j'entends l'accordéon aujourd'hui dans le métro, c'est un autre son de cloche que je perçois.

4 commentaires:

  1. ca fait si mal d'imaginer l'enfance (je n'ose même pas écrire ce mot) de ces enfants. J'en ai les larmes aux yeux.

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  2. Quelle horreur.
    En premier lieu, je me demande toujours comment est-il possible d'agir de la sorte....
    Et aprés, je me dis qu'il faut bien que ces femmes aient été des victimes non reconnues pour faire preuve d'autant d'irresponsabilité/monstruosité (?) et j'en passe envers leurs enfants qu'elles auraient du protéger et non donner en pature.
    Cela n'excuse en rien oh non.
    Je comprends si bien ton malaise aux sons et aux odeurs. Oui, tout restera malheureusement gravé en toi d'une certaine manière, car cela fait partie intégrante de ta vie.
    Mais tu sais, il ne tient qu'à toi de ne pas saigner de ses stigmates. Mais d'en faire une force.
    Tu es quelqu'un de très riche et tu ne l'aurais peut-être pas été si toutes ces horreurs ne t'étaient pas arrivées...Pardonnes moi de te dire cela Philippe. Je sais que ce n'est pas facile.
    Ce sont des monstres et des salaups et ils n'avaient pas le droit, mais tu es toujours là, bien vivant et père qui plus est.
    Quelle belle victoire, quelle force.
    D'autres non pas pu aller jusque là...
    Je t'embrasse.

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  3. J'ai peur de t'avoir blessé...
    Bien sûr que ce n'est pas simple.
    Je me répête, je ne trouve pas les mots justes. Pourtant je sais bien ce que tu vis...
    Je crois que cela me fait mal de te lire parce que c'est beaucoup de ce que je n'ose et n'oserai jamais écrire.
    Tu as raisons d'extérioriser tout cela.C'est important
    Mais sais-tu qu'une belle vie est possible malgré ces horreurs?
    Tu dois connaitre l'EMDR?

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  4. Merci de vos mots. Nath, ne t'inquiète pas, il en faut plus pour me blesser, et il n'y a rien de blessant dans ce que tu écris. Il y a une communication au-delà des mots.

    Tout cela fait partie de mon histoire, tu as raison: il faut bien faire avec. Je ne voudrais pas te faire mal. Une belle vie, oui, je sais, mais c'est la capacité d'en jouir qui varie s'un jour à l'autre mais qui rarement s'élève au-dessus du sol. Cela viendra, j'imagine... J'espère que cela viendra pour toi, Nath, et aussi pour toi, Noëmi...

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