lundi 28 septembre 2009

L'enfant

Penser l'enfant, c'est penser l'impensable, c'est penser l'interdit.

Penser l'enfant, c'est revivre l'horreur dans la conscience de l'horreur.

Horreur et enfance ne collent pourtant pas.

Penser l'enfant, c'est donc penser un autre enfant que moi, car je n'ai pas été enfant.

Ou l'ai-je été ?

L'enfance ne va pas avec les gros mots, les obscénités, mais lorsque je creuse le vide de ma mémoire, les mots qui sortent sont grossiers et obscènes, les faces rouges et bouffies, les gestes ivres et lubriques.

C'est le bateau ivre, version bordel.

Ce sont des ombres flous, des mouvements gluants, des paroles dures et mal prononcées, puis le noir.

C'est dans l'enfance que l'on se forme, est-ce à dire que je suis aujourd'hui une grande bâtisse creuse, ou pis encore, une fine membrane de peau contenant en soi tous les excréments de ces gens-là, vous savez qui ?

Quel être bancal suis-je donc ? Récipient d'immondices ou palais des courants d'air ?

Qui sont les enfants-objets ? Que deviennent-ils ? Que veulent-ils d'eux-mêmes ? Est-ce qu'ils continuent d'obéir à la volonté de leurs maîtres même après la mort de ces derniers ? Comme de bons chiens dressés, attendent-ils d'être pris en levrette par le premier venu ? Ou relèvent-ils la tête et découvrent-ils que, finalement, il y a bien quelque chose à l'endroit où devrait se trouver leur coeur et que le coeur entre bien en communication avec le cerveau ?

Se découvrent-ils ainsi un MOI, entre amour et pensée, entre souffrance et rêve, entre coeur et intelligence ?

5 commentaires:

  1. Tu réponds à tes questions finalement...
    La dernière phrase est très juste je trouve.
    Oui, ces enfants sont capables de se saboter inconsciemment pour être fidèles à leurs bourreaux, mais s'ils ont un peu plus de chance ou qu'ils sont guidés par leur bonne étoile ou qu'ils ont trouvés sur leur chemin ceux qui vont leur donner l'attention et l'amour nécessaire qui les éveillera......Ou peut-être un mix de tout ça, ils découvrent qu'ils ne sont pas les déchets qu'on leur a toujours fait croire.

    Ces enfants deviennent peut-être des êtres bancals, mais tu es loin devant certaines personnes qui ne se posent jamais ou si peu la question de savoir quels enfants ils étaient.
    Et pourtant Toi qui est père, tu sais à quel point il est important de renouer avec l'enfant qui est en nous pour pouvoir être plus proche des émotions de nos enfants....
    Et malgré la douleur de tes souvenirs, malgré ton passé tu le fais.
    Quand je te dis que tu es riche.....
    Bizarrement, d'autres qui n'ont pas vécu le pire du pire ne se posent pas autant de questions crois-moi. Et l'enfant qui est en eux peut encore moins témoigner/se regarder/se rappeler. Du coup, les remises en questions ne sont pas du tout les mêmes.
    Et les grands perdants dans l'histoire ne sont-ils pas les enfants de ses enfances oubliés ? Ceux dont les parents ne se recentrent pas vers leur souvenirs, leur enfance avec tout ce que cela porte de blessure, d'humiliation en tous genre...
    Tu regarde ton enfance meurtrie et tu es sensible à toutes les blessures.....Mais j'ai cette impression peut-être fausse que moins ils regardent/acceptent leurs blessures d'enfant, moins ils sont sensibles a ceux de leurs propres enfants.
    Moi, je me dis que cela m'a au moins apporté cela....cette sensibilité accrue, cette empathie de la blessure quelle qu'elle soit. Ce désir de vouloir toujours plus de communication non violente et bienveillante envers eux.....Aussi comme pour "réparer" d'une certaine manière l'enfant qui est en moi...
    Bien à toi

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  2. Bravo. Très juste. Moins on regarde ses blessures, moins on en voit l'ampleur, plus on en nie les conséquences dans le présent, et notamment sur ceux qu'on aime. Me voici à l'ntrée de la porte, celle qui donne sur l'enfance que j'ai eue et que je ne connais pas. J'hésite encore à entrer, mais je dois le faire si ce n'est pour moi, pour ceux que j'aime. Cela veut dire replonger dans cette souffrance oubliée et retrouver l'empathie dans le présent (dans le sens d'une "retrouvailles").

    Réparer l'enfant en soi, je ne sais pas: on ne répare pas le passé, mais on fait avec ce qu'on a et qui a dit qu'on ne pouvait pas faire beaucoup de choses même avec ce qu'on nous a laissé ?....

    Mais je ne suis qu'au début du voyage. Je suis content de rencontrer des personnes douées d'une sensibilité comme la tienne en route.

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  3. Bonjour Philippe,

    je pense que les rencontres ne se font jamais par hasard.
    Sans faire exprés, j'ai effacé ton com réchauffe coeur chez moi :'(....
    ca m'embête, car il y avait un point sur lequel j'avais envie de rebondir. Et il m'est difficile de le faire dans le vide....c'est que cela devait être ainsi.
    Merci pour ce com, parce qu'il était très réconfortant et j'accepte d'être "ta grande soeur de coeur" avec plaisir.
    Tu es au seuil de la porte des souvenirs....je sais que c'est effrayant, c'est normal d'autant plus que c'est le moment le plus traumatisant sortir du déni, mais cela peut "bien" se passer malgré tout.
    Je te dis cela parce que dans ta façon d'écrire, on sent bien qu'il y a de l'espoir.
    Et puis, tu m'a l'air bien entouré aussi. tu as des personnes qui t'aiment et ça s'est vraiment chouette.
    j'aurai tant de chose à te dire même si nos histoires sont différentes....Je le ferai au fur et à mesure sûrement.
    Affectueusement.

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  4. Je ne sais que te lire, mais comme tu sais c'est trés difficil pour moi de m'exprimer par écrit alors continu à écrir.
    De te lire me permet un instant de me poser sur ce que l'on a vécu ensemble malgrés nous cristale

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  5. Et oui, d'où "les jeux du je", le moi qui joue tour à tour à être soi et non-soi. Comment fait-il pour savoir "qui il est", lui qui si longtemps a cru être ce que le pervers voulait de lui? C'est là tout le problème de l'identité qui demande non seulement de "retrouver la mémoire", mais même de reconstruire tout ce que la mémoire contient malgré tout, malgré les amnésies, pour le revoir à la lumière de cette manipulation qui remonte si loin.. Ce qui répond à Nath dans le même temps: le problème identitaire risque de persister très longtemps vu que la personne s'est développée dans une atmosphère viciée dès le départ: il ne s'agit pas d'une identité qui aurait été "déformée" par quelque évènement traumatique, mais d'une personnalité malformée et "informée" (qui aurait reçu sa forme intérieure) par celui même qui devait la former. Pour le survivant, il s'agit donc moins de "reconstruire" que de "construire" tout court.

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