lundi 4 mai 2009

Ecrire

Ecrire pour exprimer, pour pousser en dehors ce qui pourrit au dedans.

Ecrire jusqu'à en rire, jusqu'à en mourir.

Ecrire pour ne plus fuir, mais fuir encore, une dernière fois, comme un tendre au revoir à une souffrance en partance, un dernier retour de douleur qui s'éternise.

Ecrire jusqu'à en pleurer, jusqu'à s'effeuiller.

Ecrire encore pour souffrir et faire souffrir, écrire pour se dire qu'on vit, qu'on existe, et puis ne plus y croire.

Ecrire pour exprimer, ou bien pour imprimer en soi, encore et encore, un semblant de douleur, ou une douleur qui fait semblant de rire.

Car écrire pour en rire, pour ne plus pleurer.

Ecrire pour déprimer sans rien supprimer de sa vie, écrire pour s'envoler et revenir, ou ne pas revenir, selon que le vent souffle de ci ou de là, ou ne souffle plus.

Ecrire pour s'essoufler, sans jamais s'essoufler.

Ecrire pour s'ennuyer, et s'ennuyer de s'ennuyer.

Ecrire pour réprimer en soi la vie, mais aussi pour libérer la vie.

On perd une vie, on en retrouve une autre, jusqu'à ce qu'on perde celle-ci pour retrouver celle-là.

Ecrire comme un ivrogne qu'on abuse, comme un enfant qui balance la tête tandis que sur lui les corps s'affairent.

Ecrire pour ne plus penser, s'abstraire, se distraire.

Ecrire pour s'aveugler de ces peaux blanches, de ces ventres repus, poilus comme les pattes des araignées.

Ecrire comme une gouttière distillant ses liquides douteux, eaux de pluie, larmes de pluie, pluie de sueur suintant d'autres liqueurs.

Ecrire pour dire l'horreur, mais en la voilant: relevant juste un pan de tissu pour faire deviner le peu qui fera chavirer l'esprit, mais sans lever le mystère.

Ecrire pour se cacher aux autres et à soi-même, écrire pour se dénuder et se dissimuler derrière sa nudité.

Ecrire, cela sert à tant de choses, n'est-ce pas ? Tout dépend du chemin qu'on prendra ce jour-là, cette vie-là.

Enfin, écrire quoi...

7 commentaires:

  1. écrire aussi pour communiquer avec d'autres- pour témoigner de ce qu'on a vécu- pour mettre des mots humains sur ce qu'on a vécu d'inhumain- écrire parce que là on est libre dans les mots- on peut écrire pour partager - pour aider- on peut écrire pour soi-même sans aucune censure- on a le droit- écrire pour comprendre même en soi-même car quand on peut trouver un mot juste exprimant un sentiment diffus c'est déjà une victoire en soi.

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  2. Les mots peuvent être une prison, tout comme ils peuvent libérer. Pour communiquer, il faut avoir quelque chose à partager, à mettre en commun. Comprendre l'incompréhensible ?

    Les mots ne sont qu'un outil: je m'en sers non pas pour communiquer, mais pour raviver mes plaies dans l'espoir de faire surgir quelque chose de mon passé: en frappant un mot contre un autre, comme deux pierre, peut-être une étincelle surgira-t-elle. Ce n'est qu'une des tactiques que je mets en acte. Je communique donc avec moi-même non pas dans les mots, mais au-delà d'eux, quelque part ailleurs. Ils ne sont qu'un point sur l'archet qui doit faire vibrer la structure complexe de mon inessentialité. C'est pourquoi je peux me permettre d'être libre dans les mots, parce que j'y suis et n'y suis pas.

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  3. tu écris : "Pour communiquer, il faut avoir quelque chose à partager, à mettre en commun. Comprendre l'incompréhensible ?"
    penses-tu qu'il n'y a absolument aucun moyen d'exprimer l'incompréhensible ?sinon est-il possible de créer un moyen ?
    avant de comprendre ce qu'on ne peut comprendre -ne peut-on pas exprimer ce qu'on ne comprend pas ?
    si tu écris que tu es libre dans les mots parce que tu y es et tu n'y es pas- est-ce que ca ne voudrait pas dire que la liberté de tes mots exprime quelque chose réellement de toi mais qui échappe à la compréhension immédiate?
    ces mots que tu exprimes tu peux leur faire entièrement confiance ils viennent à toi même si ensuite tu les observes avec recul.
    si tu communiques avec toi-même quelles sont ces deux interlocuteurs en toi qui se parlent ?

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  4. L'incompréhensible est ce qui, de par sa nature même, ne peut pas se partager au niveau de la compréhension. On peut exprimer quelque chose de l'incompréhensible, mais cela ne le rendra pas plus compréhensible.
    Quant aux mots, ils ne représentent qu'un instrument parmi d'autres, un instrument qui peut aussi servir à se masquer soi-même.
    Pour la confiance, je n'ai confiance en rien ni en personne, pas même en moi.
    A propos des interlocuteurs intérieurs, difficile de répondre.

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  5. comment ressens-tu l'incompréhensible?
    comment sais-tu que là on est du domaine du compréhensible et là de l'incompréhensible ? est-ce que l'incompréhensible est justement du domaine de ce que tu ne peux pas exprimer ?
    as-tu réellement le sentiment que tes mots te masquent toi-même ou ne crois-tu pas en tes mots ?

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  6. Bonne question en ce qui concerne l'incompréhensible. Pour moi, l'incompréhensible est tel parce qu'il n'y a rien à comprendre, il n'y a pas de sens mystique caché. Pour la victime, un fait de pédophilie ou d'inceste n'a aucun sens: il s'agit d'actes posés dans une existence par une volonté autre. Après de tels actes, reste à la victime à créer du sens avec ce qu'elle a, ou a conserver ce jardin secret en dehors de la sphère du sens et, donc, du compréhensible.

    Quant aux mots, ils masquent et dévoilent tout à la fois, selon ce qu'on veut en faire. Les mots sont aussi traîtres qu'ils peuvent être bons amis, mais ils ne révèlent rien de plus que ce que nous savons déjà, puisqu'ils sont ce que l'on sait, et ils ont la limite de notre savoir, comme dans le déni par exemple.

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  7. effectivement on est à la recherche d'un sens - je cherche cela partout- pour donner au moins comme une logique claire à la suite des événements. Car pour la victime il n'y a aucun sens mais pour ceux qui ont commis les actes il peut y avoir une suite de circonstances en plus des pulsions. Je pense que la victime ne peut pas trouver de sens réels à des actes insensés.Car à la limite ça serait presque essayer de "comprendre" le pourquoi de tels actes et donc en fait entrer un peu dans une sorte de folie - celle des agresseurs.
    par contre sans chercher à "comprendre l'incompréhensible" il me semble qu'on peut témoigner des actes. En parler en tant qu'actes insensés.
    pour les mots je pense par contre que parfois ils nous échappent. effectivement en relisant des vieux textes par exemple on voit souvent combien on avait compris certaines choses et combien on pouvait parfois être lucide en fait. Des mots sortaient du brouillard. Il y en avait dans le déni et dans le refus de la réalité mais il y en avait. on le voit en avançant.
    Comme un escalier à gravir vers une prise de conscience partant du brouillard à plus d'éclaircies. Chaque marche est importante mais il y a toujours -je crois- eu en nous cet escalier qui n'est pas fermé par une porte comme c'est le cas pour les auteurs des actes insensés.

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